Lamaindonne & Sun/Sun

Dans la famille des 700… je demande les livres de photos !
Les livres d’art et plus spécifiquement les livres qui mettent en avant les artistes photographes sont rarement visibles en bibliothèques. En Occitanie, nous avons la chance d’avoir deux maisons d’édition (Lamaindonne et Sun | Sun) qui développent des lignes éditoriales singulières et un propos sur l’importance de l’écriture photographique. Profitons-en !  Et découvrons leurs livres et leurs goûts du partage pour nous questionner sur la place de ces livres dans les bibliothèques et leur médiation auprès de nos publics.
Isabelle Hochart, chargée de l’action culturelle, Médiathèque départementale de l'Aveyron.

[RENCONTRE PROPOSÉE PAR LA MÉDIATHÈQUE DÉPARTEMENTALE DE L'AVEYRON le 22 octobre 2021]

À la découverte de Lamaindonne et sun | sun (8:32 minutes) 

Lamaindonne et sun | sun : la photographie au cœur (8:13 minutes) 

Lamaindonne et sun | sun : présentation d'ouvrages (13:39 minutes) 

 

David Fourré travaille depuis plus de vingt ans dans l'édition et le graphisme. Les éditions Lamaindonne sont créées en 2011 et privilégient une photographie d’auteur, souvent intime, dans des ouvrages à la construction toujours très réfléchie (éditing, fabrication).

Sun/sun édite des récits en leur donnant corps : livres de photographies, objets graphiques et poétiques, textes littéraires et performances. En croisant les médiums et les disciplines, elle porte des objets éditoriaux singuliers où le fond et la forme dialoguent. Créée en 2015 par Céline Pévrier, la maison sun/sun se développe autour de collaborations épiques avec ses auteurs et grâce à une constellation de personnes dont l’énergie rend tout possible.

Quelques questions à David Fourré, éditeur de Lamaindonne

Pourquoi êtes-vous devenu éditeur ? Je travaille dans l’édition depuis plus de 25 ans. Aux éditions du Rouergue, avec Olivier Douzou (albums jeunesse), pour d’autres éditeurs, comme Flammarion, Minerva, La Martinière… Mais à l’approche de mes 40 ans, l’envie de créer ma propre structure me titillait. L’occasion d’une rencontre avec un photographe de l’Aveyron a été le déclencheur. Dix ans après, le catalogue est encore jeune et ne comporte qu’une vingtaine de livres mais Lamaindonne est aujourd’hui une maison reconnue dans le secteur des livres de photographie d’auteur.

Quel serait le livre que vous avez édité et qui a tout changé pour vous ? Il y en a deux. Tôt un dimanche matin du photographe aveyronnais Julien Coquentin. Le livre a été un succès immédiat (il a été réimprimé 4 fois) et a eu beaucoup de presse (Libération, les Inrocks). C‘est lui qui a donné une véritable visibilité à la maison.  Et Volta, de Gabrielle Duplantier, qui nous a “échappé” et a marqué beaucoup de professionnels de la photographie. Ces auteurs continuent à publier aux éditions lamaindonne. Il y a une véritable fidélité entre les auteurs et l’éditeur.

Quel message souhaitez-vous défendre ? C’est sans doute celui de l’écriture photographique. Le livre de photographie d’auteur a vraiment ceci de particulier et d’unique, c’est qu’il peut se situer à la lisière de la littérature et du livre d’art. En choisissant certaines images plutôt que d’autres, en les ordonnant dans un livre, en les mettant en page de telle ou telle façon, on raconte une histoire particulière (un autre éditeur aurait réaliser un livre différent). Il y a une écriture dans un livre de photographies, des éléments qui reviennent régulièrement, des ruptures dans le rythme de la narration, des rimes plastiques. C’est une véritable grammaire qui se met en place, loin du simple catalogue. Au final, disons que le photographe est un écrivain comme tous les autres.

Votre actualité du moment ? Passenger du grand photographe suédois de Martin Bogren, est le dernier livre publié par Lamaindonne. Un autre livre (Home, titre provisoire), d’Alisa Resnik, photographe russe résidant à Berlin, devrait voir le jour pour le mois de novembre (mois de nombreuses manifestations autour de la photo à Paris). Et puis Lamaindonne et sun/sun ont tous rejoint France PhotoBook, une association qui regroupe 25 éditeurs français de livres photo et qui a entre autres buts, de mieux faire connaître au public et aux professionnels les particularités et la richesse du livre photographique. Mais nous l’évoquerons plus en détail lors de cette rencontre…

> Pour découvrir les éditions lamaindonne


Quelques questions à Céline Pévrier, éditrice de sun/sun

Pourquoi êtes-vous devenue éditrice ? Je ne me souviens pas vraiment. Je n'ai pas décidé mais plutôt réalisé au bout de quelques années que j'aimais voir les récits prendre corps, dans l'ombre, en amont, en discussion avec les auteurs et en recherche de « traduction » de matérialité. D'abord avec le collectif Argos en 2005 sur le projet Réfugiés climatiques, puis avec la revue de photographie Zmâla ou encore le Chant du Monstre, revue de création littéraire et de curiosité graphique. J'ai toujours regretté de ne pas faire un métier « utile », prendre soin des autres, de la terre, faire une activité plus manuelle. Puis sun/sun a été créé en 2015 et avec le temps, je me suis rendu compte que prendre soin des récits et concourir à leur existence physique c'était déjà quelque chose. Que nous traversons une époque bien sombre où le pouvoir du récit et de la fiction sont plus que jamais une des clefs pour imaginer d'autres futurs que ceux qui nous sont proposés. Le fait de s'attacher à faire du livre papier parle aussi d'un rapport au monde charnel, qui passe par la rencontre, la circulation, les métamorphoses. 

Quel serait le livre que vous avez édité et qui a tout changé pour vous ? Tous les livres cachent des histoires de conception frappantes. Mais c'est sans doute Noces ou les confins sauvages d'Hélène David qui a signé une direction : celle de penser le lien du fond et de la forme, de suivre ses intuitions, de réfléchir à la matière et à sa traduction en livre. La fabrication de Noces a été épique pour pister les matières et techniques qui nous semblaient faire sens. En résulte un livre sobre qui se distingue par des images questionnant les porosités dans le monde du vivant et dont la réalisation l'illustre avec des gaufrages jouant avec l'épaisseur du papier et rappelant la notion de trace, de fossile, d'empreinte et un papier japonais tout en coton qui dès sa prise en main ouvre d'autres perceptions et place l'objet livre dans une relation, de fait, sensuelle. 

Quel message souhaitez-vous défendre ? « La direction que l'on prend est une signature » me disait mon ami et camarade d'édition Éric Guglielmi. Parti un peu trop tôt cet été, ses mots continuent de m'éclairer et d'aiguiser mes choix. Il n'est pas question juste de dire ou d'avoir une posture mais de voir une démarche dans son ensemble. En ce qui concerne l'édition, cela revient à dire que l'histoire et l'objet auxquels on aboutit, le livre, sont aussi importants que la manière dont il est conçu. Les étapes franchies, les questionnements, les angles saillants, la confiance que se font l'auteur, l'éditeur, le graphiste et de manière générale tous les autres collaborateurs abondent dans la vie d'un ouvrage et dans sa vitalité, c'est comme un écosystème. Quand un livre voit le jour, il faut qu'il ait vraiment quelque chose à proposer, que ce ne soit pas un simple outil de communication supplémentaire. 

Votre actualité du moment ? La sortie de deux ouvrages quasi simultanément qui se font l'écho de nombreuses mutations sociales et environnementales que nous vivons actuellement. 

The Eclipse de Stéphane Charpentier, présente des photographies et des transcriptions de dialogues collectés en Grèce entre 2012 et 2021 qui témoignent d'un moment intense de notre histoire contemporaine. Sur fond de crise économique et de remous politique, se superposent ces témoignages existentiels captés dans la réalité quotidienne.

Dysnomia d'Alexandre Dupeyron, où se tutoient deux mondes : celui du vivant, aux formes irrégulières, laissant apparaître des visages au creux des arbres, où d'une forme naît un mouvement, une éclosion et celui qui bascule vers l'aliénation de l'homme, enfermé, ce monde vivant devenant trop petit pour lui. Le livre est monté comme une partition de musique où chaque photo est une note. La reliure japonaise permet par sa matérialité de lier les pages rectos et les pages versos dans une une continuité qui rappelle celle de la bobine de film. 

> Pour découvrir les éditions sun/sun