Anacharsis & Ici-Bas

Anacharsis, éditeur toulousain peut-être encore trop confidentiel, mérite d’être valorisé pour son catalogue centré sur les « rencontres entre les cultures ». Un catalogue riche de romans, d’essais, de biographies, de récits de voyages qui traitent notamment la question de l’altérité.

Aude Le Berre, Médiathèque départementale de Haute-Garonne

[Rencontre proposée par la médiathèque départementale de Haute-Garonne le 13 janvier 2023.]

Les éditions Anacharsis, à la source de l’histoire

Les 8 livres d’Anacharsis à avoir (absolument) dans sa bibliothèque

Quelques questions à Charles-Henry Lavielle, éditeur chez Anacharsis

Pourquoi êtes-vous devenu éditeur ?

Par hasard, par amitié (Anacharsis est né comme ca), par insouciance et inconséquence sans doute. Mais aussi, grâce à l'université qui permettait et qui tente de continuer à encourager, malgré l'acharnement mis à la fragiliser, la curiosité, la flânerie dans les pensées et textes, la découverte de sources. Et de fil en aiguille, soit de bibliothèques en salle d'archives, l'envie de faire découvrir et partager nos trouvailles, persuadés qu'elles pouvaient donner le même plaisir à des non-historiens qu'à nous-mêmes à condition de prendre le soin de les accompagner. C'est-à-dire d'en donner des clés, en un mot de les éditer. 

Non, je plaisante, c'est par cupidité.  

Le livre que vous avez édité et qui a tout changé pour vous ?

Ça n'existe pas un livre qui change tout, ça se saurait. On ne fait ni du développement personnel, ni fortune. Nous n'avons jamais imaginé publier un texte pour faire un coup. Nous essayons de construire un catalogue, c'est-à-dire de juxtaposer des livres qui puissent, chacun à leur façon et en rapport entre eux, donner une idée de la complexité qui nous entoure.    

Le message que vous souhaitez faire passer ?

J'embrasse ma famille qui m'a toujours soutenu, mes cousins, mes oncles, mes tantes et mes amis proches, le club de rugby du TCMS qui ont toujours cru en nous, même dans les moments difficiles. Sinon, lisez!

Votre actualité

Allons enfants de la Guyane [...] d’Hélène Ferrarini

En Guyane, pendant des décennies – et aujourd’hui encore à Saint-Georges-de-l’Oyapock –, des enfants de différentes communautés autochtones ont grandi dans des « homes indiens », pensionnats tenus par des congrégations catholiques. La politique d’assimilation forcée ainsi menée par l’État français avec l’appui du clergé atteste des persistances coloniales dans ce jeune département d’outre-mer.
Dans une enquête approfondie mêlant archives et témoignages, Hélène Ferrarini lève le voile sur une histoire jusqu’alors ignorée dans laquelle la parole des anciens pensionnaires trouve enfin une place.

Soleil de Yokomitsu Richii

À l’aube des temps, au milieu d’une nature épanouie, dans un Japon archaïque écartelé entre chefferies rivales, la princesse Himiko devient la proie des rois. Outragée par des brutes esclaves de leurs pulsions, elle médite sa vengeance sur les mâles dominants.
Inspiré par la lecture d’antiques récits et du Salammbô de Flaubert, Yokomitsu Riichi bâtit avec Soleil un joyau littéraire éclairé par la beauté fauve des grands mythes. Comme un Miyazaki par anticipation.

> Pour découvrir les éditions Anacharsis 


Les éditions Ici-Bas

Les 5 livres d’Ici-bas à avoir (absolument) dans sa bibliothèque

Pourquoi êtes-vous devenus éditeurs ?

Tout a commencé en 2011, avec la création du Collectif des Métiers de l’Édition (CMDE) qui avait alors pour vocation de décloisonner les métiers de l’édition par la pratique d’un travail collectif impliquant pour chaque ouvrage l’ensemble des métiers de la chaîne du livre de façon horizontale. Au premier plan se trouvait également la mise en commun des savoirs et des savoir-faire des membres, qui, s’ils n’avaient pas réalisé de parcours d’étude dans le domaine de l’édition, étaient liés au monde du livre par la traduction, le graphisme et la micro-édition, notamment.
Le sens résidait alors principalement dans le fonctionnement collectif et ce défi passionnant à relever : expérimenter la fabrique collective d’ouvrages en tant que non « spécialistes » de l’édition, valoriser à parts égales l’ensemble des métiers de l’édition en élargissant la notion d’auteur, et apporter un soin particulier à l’objet livre. Tout ceci, dans l’optique de professionnalisation qui s’est rapidement concrétisée : étoffement du catalogue dans les trois collections (environ 6 sorties par an), travail avec le diffuseur Hobo diffusion, visibilité croissante auprès des libraires, du public et des organismes de soutien à l’édition.
En 2019, le CMDE devient les éditions Ici-bas, dont les mêmes membres affirment et affinent la ligne éditoriale qui les anime depuis toujours : la publication de textes, de livres graphiques ou de films qui, par leur mise en récit d’une analyse située, entendent contribuer à penser le monde qui nous entoure, ici, maintenant, là-bas, hier.
Ici-bas s’est spécialisé dans la publication de récits incarnés issus de l’expérience directe, que ce soit à travers les essais de la collection « Les Réveilleurs de la nuit » où priment toujours les dimensions politique, sociale, et critique (témoignages, enquêtes, journalisme littéraire, histoire orale, récits à portée autobiographique) ou les romans graphiques de la récente et prolifique collection « Le tambour du fou ».

 

Le livre que vous avez édité et qui a tout changé pour vous ?

Difficile de pointer un seul ouvrage car tous s’ancrent dans une rencontre, un coup de cœur. Mais il est un de nos essais qui a beaucoup fait avancer nos réflexions quant aux orientations éditoriales que nous souhaitions défendre et approfondir : L’évasion d’un guérilléro. Écrire la violence, de John Gibler (2021), qui soulève une puissante réflexion sur le lien entre écriture et violence.
Fidèle à sa posture journalistique marquée par la réflexivité et l'horizontalité dans le rapport à l'enquêté, John Gibler livre ici le témoignage poignant d’un guérillero nahualt évadé d’une prison clandestine au Mexique, et revisite ainsi la thématique de la violence systémique dans ce pays, tout en convoquant des axes plus universels comme l'écriture, la violence et le colonialisme, qui suscitent des échos directs avec notre histoire et notre actualité.
Son invitation à « décoloniser l'écriture », ou encore à « écrire en écoutant » - en restaurant la relation essentielle entre l'oral et l'écrit, l’écriture imprimée et le témoignage, trop souvent cloisonnés – nous a guidés dans nos recherches et sélection d’autres ouvrages. L’éthique d’écriture/ journalistique présente eu creux dans chacun de ses ouvrages (Mourir au Mexique, 2015, Rendez-les-nous vivants, 2017) est pour nous des plus inspirantes.

 

Le message que vous souhaitez faire passer / que vous souhaitez défendre.

À travers la publication de récits incarnés (que ce soit dans leur forme d’essai, de témoignage, journalistique, ou graphique), nous souhaitons défendre l’idée que ce sont celles et ceux qui font l'histoire qui sont le mieux à même de la raconter, de la mettre en récit. Nous souhaitons mettre en avant une tradition historiographique encore timide en France, celle de l’histoire orale, de l’histoire « par en bas ».
Mais écouter ne suffit pas, il faut aussi voir. Dessinateurs, graveurs, illustrateurs, se font souvent les témoins directs de l’Histoire et des processus sociaux. Des récits graphiques inédits font l’objet d’une rigoureuse sélection et sont mis à l’honneur dans la collection « Le tambour du fou », qui convoque différentes traditions et expressions contemporaines des narrations graphiques et de l'art séquentiel à visée de critique sociale.
Nous souhaitons enfin créer des échos, au sein de notre catalogue, entre ces différentes formes de mises en récit situées.

 

Votre actualité ?

Notre toute dernière parution, Dans la nuit, d’Erich Glas (octobre 2022) s’inscrit dans la lignée graphique amorcée à Ici-bas depuis 2020, et ouvre une fenêtre inédite sur le cauchemar de l’Holocauste.
À l’hiver 1942, brûlant de fièvre dans son sommeil, Erich Glas a des visions d’horreur : des tueries de masse et une terreur se répandent en Europe. Encore sous le choc, il commence à graver, en noir et blanc, une histoire où s’affrontent peur et courage, espoir et désespoir.
L’artiste, qui avait quitté l’Allemagne en 1934 pour s’installer en Palestine, s’affirmait avec ces 28 linogravures comme un des pionniers du roman graphique sans paroles, dans la lignée de Frans Masereel, Lynd Ward ou encore Otto Nückel. Il y représentait ce que personne ne souhaitait voir alors.

> Pour découvrir les éditions Ici-bas.