Le contrat territorial EAC de la ville de Reims

CONNAÎTRE LES POLITIQUES PUBLIQUES #2
Par Delphine Quereux-Sbaï, directrice de la bibliothèque municipale de Reims

La ville de Reims a fait de l’éducation artistique et culturelle une de ses priorités en matière culturelle. Elle l’a inscrit dans son schéma d’orientations pour la culture voté en conseil municipal le 13 mai 2019, qui découle du travail de réflexion et de concertation entrepris suite à la signature d’un pacte culturel avec l’État en décembre 2016. L’EAC est également une priorité du ministère de la Culture et du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, relayée sur le terrain par la DRAC et par le Rectorat. C’est pourquoi à l’été 2018, la Ville, le Rectorat et la DRAC Grand Est ont décidé de travailler ensemble à la rédaction d’un CTEAC (Contrat territorial d’éducation artistique et culturelle), pour encadrer le projet EAC rémois et lui donner de l’ambition, comme des moyens.

L’offre de la bibliothèque municipale de Reims pour les scolaires

L’éducation artistique et culturelle recouvre des dispositifs très variés, qui s’inscrivent dans les temps scolaire, périscolaire et extrascolaire de l’enfant et auxquels participe de façon particulièrement volontariste la bibliothèque depuis quelques années.

L’EAC mobilise en effet une part importante des effectifs de la bibliothèque (bibliothécaires jeunesse mais aussi bibliothécaires des secteurs adultes sur certains dispositifs), notamment à travers l’accueil des classes. En 2018 la bibliothèque avait ainsi accueilli 646 classes de primaire, 24 classes de collège et 27 classes de lycée, soit 18 668 scolaires, ce qui correspond au tiers des scolaires accueillis dans une structure culturelle rémoise. Afin d’enrichir ses accueils de scolaires, la bibliothèque a décidé d’émarger à plusieurs dispositifs jusqu’alors peu investis par les établissements de lecture publique : les résidences (de journaliste et d’auteurs) et les PAG (projets artistiques globalisés).

Mais la bibliothèque a aussi investi le temps périscolaire en proposant cinq ateliers trimestriels simultanés durant les deux années de réforme du temps scolaire (2017-2018), démontrant à cette occasion son savoir-faire et la variété des sujets maîtrisés par ses équipes, et susceptibles de constituer le sujet d’actions de médiation culturelle (cinéma, musique, handicap, numérique, etc.). Elle a également expérimenté en 2019 des ateliers culturels le mercredi matin dans des écoles de quartier, premier essai « d’école municipale de la Culture ». Enfin elle a proposé des ateliers culturels « suivis » sur des sujets patrimoniaux aux centres de loisirs municipaux le mercredi après-midi.

Si certains dispositifs se sont avérés plus porteurs que d’autres, l’action volontariste de la bibliothèque en matière d’EAC lui a valu de rejoindre, en la personne de sa directrice, le petit groupe de travail « informel » de préfiguration chargé à partir de l’été 2018 de rédiger le CTEAC rémois.

Établir un diagnostic, identifier les zones blanches

Ce groupe de travail était composé des conseillers sectoriels de la DRAC (la conseillère éducation artistique et culturelle et plus ponctuellement la conseillère Action territoriale et politiques interministérielles), des interlocuteurs « transversaux » identifiés pour l’Éducation nationale (le délégué académique à l’éducation et à l’action culturelle au Rectorat, les chargées de mission Art et culture de la DSDEN, un inspecteur de l’Éducation nationale IEN), de la direction de la Culture et, plus ponctuellement, des autres directions de la collectivité concernées par le sujet (direction de l’Éducation, voire de la Jeunesse). Des réunions régulières ont eu lieu en 2018 et 2019, qui ont permis aux protagonistes de mieux se connaître et à la ville de Reims de préciser ses projets en vue de développer l’EAC.  En parallèle, la direction de la Culture a commencé par établir un diagnostic chiffré pour avoir des éléments quantitatifs de référence (chiffres 2017) et pour identifier d’éventuelles zones blanches.

Les itinéraires de la culture dès la rentrée 2019-2020

Dans les projets nés de la dynamique CTEAC, une nouveauté a été mise en place dès la rentrée 2019-2020 à titre expérimental avec les établissements culturels volontaires (bibliothèque, archives municipales et communautaires, musées municipaux, service patrimoine, Planétarium) : les itinéraires de la Culture.

Ces itinéraires sont des ensembles de trois visites culturelles à destination des élèves du cycle 3 (CM1, CM2, 6e), devant permettre à terme à chaque petit Rémois au cours de sa scolarité de découvrir les six grandes disciplines culturelles que sont le patrimoine, les arts visuels, la culture scientifique, la musique, le livre et la lecture, le théâtre et le spectacle vivant. La mise sur pied de ces itinéraires visait à faire face à une demande croissante d’accueils scolaires dans le cadre des directives EAC, à effectifs constants du côté des structures culturelles, ce qui obligeait à réorganiser et à rationaliser leur offre. Afin de partir des ressources disponibles sur le terrain, les établissements culturels ont été invités à faire des propositions permettant de répondre aux trois piliers de l’EAC : se constituer une culture personnelle riche et cohérente tout au long de son parcours scolaire (connaissances), développer et renforcer sa pratique artistique (pratique) et rencontrer des artistes et des œuvres en fréquentant des lieux culturels (rencontres). La bibliothèque a répondu à cet appel de façon massive, en proposant pas moins de dix itinéraires et en prenant part à deux itinéraires supplémentaires, qui relèvent du Livre et de la lecture mais aussi des Art visuels, de la Musique ou du Patrimoine. Ces propositions ont été finalisées en juin 2019, afin de figurer dans le répertoire de l’offre culturelle 2019-2020 diffusé dans les écoles à partir de l’été.

Parallèlement, un comité de pilotage officiel s’est mis en place avec les élus rémois en charge de la Culture, de l’Éducation et de la Jeunesse (4), les services municipaux concernés (Culture, Éducation, Jeunesse), la DRAC, l’Éducation nationale (DAAC et IEN) et le conseil départemental, prêt  à rejoindre la dynamique pour intensifier les actions en collège.

 

Aller vers le 100% EAC

Le comité de pilotage réuni en juin 2019 a réaffirmé son souhait de conclure un CTEAC 2019-2022 pour gagner en lisibilité, mettre en cohérence et définir des méthodes afin d’assurer le 100% EAC, sans zones blanches, mais aussi lister l’existant (structures culturelles municipales, structures et associations non municipales, festivals avec des volets EAC, dispositifs mis en œuvre et actions EAC) et formaliser les engagements respectifs , afin de mieux partager les moyens déployés sur le territoire. L’un des objectifs était aussi de dégager un peu de moyens humains pour coordonner l’EAC et permettre d’aller au-delà de ce qui était déjà fait, notamment  en mettant en place des outils nouveaux (pass famille, carnet de voyage culturel) ou des dispositifs jusqu’alors expérimentaux (école municipale de la culture). Le CTEAC compte d’importantes et copieuses annexes qui ont permis de lister l’ensemble des acteurs de l’EAC à Reims, ainsi que des dispositifs existants. Cet état des lieux n’est pas le moindre mérite de ce document, qui se voulait par ailleurs assez léger pour plus de souplesse.

Le CTEAC rémois, signé le 16 décembre 2019, est le premier de l’académie de Reims. Il permettra de financer dès 2020 un poste de coordonnateur sur l’EAC.

Ne pas mésestimer les difficultés

Au-delà de la satisfaction d’avoir pu aboutir en moins d’un an dans la rédaction de ce contrat, il ne faut pas mésestimer les difficultés d’un tel dossier : l’identification des bons interlocuteurs (notamment côté Éducation nationale), la fin des prés carrés, le partage d’objectifs communs et la reconnaissance du rôle de chacun, l’absence d’outils et de temps de concertation comme de formations « croisées », la juxtaposition de dispositifs et de consignes ministérielles fixant parfois des priorités opposées, des calendriers différents et le « temps politique » de chaque institution, les organes de diffusion de l’information dans chaque sphère, la taille des cohortes concernées, les réticences au changement dans les équipes et des moyens humains pas extensibles, la difficulté à mettre en place des outils de suivi et d’évaluation, etc.

Reste que ce document sans précédent, qui a permis de partager diagnostic et ambitions, devrait permettre à terme de garantir à chaque enfant de Reims, quels que soient son quartier et son milieu familial, la possibilité de suivre un projet d’éducation artistique et culturel par cycle, afin de permettre l’éducation à l’art tout autant que l’éducation par l’art. Pour la bibliothèque, il était particulièrement important de s’inscrire dans ce mouvement, afin d’en finir avec une fréquentation consumériste et  parascolaire, même si cela supposait pour les équipes de la bibliothèque de repenser leurs actions en direction des scolaires. Le PCSES (projet culturel, scientifique, éducatif et social) de la bibliothèque, actuellement en cours d’élaboration, devrait permettre d’inscrire ces nouveaux principes d’action dans la durée.

Delphine Quéreux-Sbaï, directrice de la bibliothèque municipale de Reims*

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* Delphine Quéreux-Sbaï a été nommée Conseillère Livre et lecture à la DRAC Grand Est en février 2020.