Le transfert du contrat d’édition

Publié le 26/11/2021
Avocat
Bruno Carbonnier
Métier(s)
Auteurs
Éditeurs
Catégorie(s)
Le cadre législatif du livre
Les contrats
Les droits d'auteurs (titulaires)

Il arrive souvent qu’un éditeur ne soit pas le signataire originel du contrat d’édition de l’ouvrage qu’il exploite. Il est possible en effet que le contrat d’édition initial ait été transféré au profit d’un nouvel éditeur.

1) Dans quels cas peut-on transférer un contrat d’édition ? 

Le contrat d’édition peut être transféré à un nouvel éditeur lorsque l’éditeur initial cède son fonds de commerce, ou bien lorsque celui-ci ne souhaite plus assurer lui-même l’édition de l’œuvre et la confie à un tiers.
Le contrat d’édition peut aussi faire l’objet d’un transfert en cas de procédure collective affectant l’éditeur.

2) Quelles sont les conditions à respecter lors du transfert du contrat d’édition ? 

Si le transfert a lieu en dehors de toute procédure collective (redressement ou liquidation de l’éditeur), l’article L. 132-16 du Code de propriété intellectuelle prévoit que l’éditeur ne peut transmettre le bénéfice du contrat d’édition à des tiers sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’auteur. 
Sur ce point, il convient de préciser que toute clause d’un contrat d'édition qui permettrait à l’avance à l'éditeur de transférer le contrat d’édition à un tiers sans contrôle de la part de l’auteur serait nulle.

Par ailleurs, par dérogation au principe du consentement de l’auteur, l’article L132-16 prévoit qu’il est possible de faire fi de son autorisation expresse et préalable en cas de cession du fonds de commerce de l’éditeur. 

Le même article fixe cependant une limitation à cette dérogation : si le transfert du contrat d’édition entraînée par la cession du fonds de l’éditeur est de nature à compromettre gravement les intérêts matériels et moraux de l’auteur, celui-ci sera alors fondé à résilier le contrat d’édition. La jurisprudence a déjà pu considérer qu’une mauvaise réputation de l’éditeur ou qu’un changement de politique éditoriale menée par le nouvel éditeur et contraire à la philosophie de l’auteur peuvent constituer de telles atteintes justifiant la résiliation du contrat.

Ainsi, il faut donc distinguer selon l’objet de la cession : 

  • Si l’intégralité du fonds de commerce de l’éditeur est cédée, l’autorisation préalable des auteurs dont les contrats d’édition sont cédés n’est pas requise. 
  • Si seul le contrat d’édition est cédé, dans ce cas l’éditeur initial doit en aviser l’auteur préalablement au projet, et obtenir son autorisation expresse.

Si l’éditeur est affecté par une procédure collective, l’article L132-15 du CPI encadre le sort du contrat d’édition. L’auteur ne peut ainsi s’opposer à la continuation de son contrat par un tiers en cas de redressement judiciaire de son éditeur. Le tiers devra bien sûr respecter les mêmes obligations que le premier éditeur.
Ce n’est que lorsque l'activité de l'entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée que l'auteur peut alors obtenir la résiliation de son contrat d’édition.

3) Quelle est la sanction en cas de cession d’un contrat d’édition sans autorisation ? 

Lorsque le contrat d’édition fait l’objet d’une cession isolée, qui ne s’accompagne donc pas de la cession du fonds de commerce, et que le consentement de l’auteur n’est pas obtenu, les tribunaux considèrent que la cession du contrat d’édition est nulle. Cette nullité est relative et ne peut donc qu’être soulevée que par les parties à la cession et l’auteur dont le contrat d’édition est cédé.

Toutefois, les tribunaux ont déjà pu juger que la cession d’un contrat d’édition sans autorisation de l’auteur alors que celle-ci était nécessaire engageait seulement la responsabilité solidaire des deux éditeurs, c’est-à-dire celle du cédant et du cessionnaire. Ainsi la nullité de la cession n’est pas systématique : l’auteur peut également obtenir réparation par des dommages-et-intérêts sans remettre en cause la cession, ou bien résilier son contrat.

4) Points de vigilance pour l’éditeur qui cède une partie de son fonds

Il faut préciser que lorsque l’éditeur ne cède qu’une branche de son activité et non son fonds dans son ensemble, les tribunaux ont déjà pu juger qu’il pouvait s’abstenir de solliciter l’autorisation des auteurs concernés. 
Cette exception ne s’applique cependant que si la cession porte sur l’ensemble des actifs de la branche cédée. Ce n’est pas le cas par exemple si certaines œuvres de la branche cédée restent dans le fonds du premier éditeur.