La Llibreria catalana à Perpignan

Joana Serra, de la llibreria catalana (66) partage son expérience.

Quelques semaines après l’ouverture comment la reprise se passe-t-elle ?
Nous n'avons pas retrouvé le rythme habituel. Nous avons bien sûr eu un retour massif de tous les habitués, en soutien à la librairie, mais aussi de nouveaux clients qui ont changé de comportement avec leurs achats. Le retour des enfants à l'école a changé la donne, nous reprenons nos habitudes, même si dans notre quartier beaucoup de travailleurs sont en télétravail, ce qui modifie les comportements d'achats des citoyens. Le chiffre d'affaires n'est pas mauvais, il est même bon, mais les comportements sont différents. 
Nous avons augmenté les commandes en drive, proposé énormément de livres par téléphone, mail, réseaux sociaux, afin de traiter des commandes, avec le moins de clientèle possible dans la librairie. Vendre un livre nous prend beaucoup plus de temps quand le lien avec le client n'est pas direct. 
Une initiative s'est mise en place en Catalogne "LLibreries obertes" (librairies ouvertes), à laquelle j'ai adhéré, qui a regroupé toutes les librairies qui le souhaitaient à vendre en ligne sur une même plateforme : le client achetait le livre en ligne, en choisissant sa librairie de référence, et il venait récupérer la commande dès la possible ouverture de chaque librairie. Cela nous a permis de récupérer un peu de trésorerie pendant le confinement, de faire de la pédagogie auprès des clients, de s'entraider...

Quels sont les changements que vous avez dû opérer dans la librairie pour respecter les consignes sanitaires ?
À part la distanciation au niveau du comptoir et le lavage des mains systématique, la librairie est assez petite pour gérer très facilement la circulation des clients. Nous avons dû aussi limiter le nombre de clients dans le magasin, mais tout s'est fait dans la compréhension des clients. La gestion des enfants (les habitués) qui ont leur coin et leurs habitudes a été un peu plus délicate à gérer pour ma part. 

Quels sont les ouvrages les plus demandés ?
Environ 60 % des ouvrages commandés sont des publications faites de l'autre côté de la frontière. Il a été impossible dans un premier temps, puis très compliqué de recevoir les commandes étant donné que la frontière franco-espagnole était fermée. Nous avons finalement réussi à regrouper plusieurs livraisons en une seule entreprise, qui a pu venir avant la réouverture de la frontière. Donc beaucoup de pédagogie auprès des clients et du coup très forte augmentation de ventes du fond et très peu de nouveautés. Envie d'évasion, beaucoup de BD et littérature, plus que d'habitude. Chute des livres d'Histoire et société qui sont normalement beaucoup plus vendus.

Durant le confinement, les libraires ont été très actifs pour continuer à animer leurs communautés de lecteurs. Qu’avez-vous mis en place ? Pensez-vous que certaines initiatives auront un impact à plus long terme ?
En effet dès le premier jour du confinement sans savoir la durée de la fermeture, nous avons présenté un coup de coeur quotidien à travers nos réseaux sociaux (Facebook Twitter, et ouverture d'un compte Instagram). Cette démarche m'a fait vendre, et réserver pas mal de livres. Se sont rajoutés pendant cette période les coups de coeur des clients qui se sont prêtés au jeu, même des enfants ! 
Nous avons aussi mis en place toute la journée du 23 avril (Sant Jordi) toutes les demi-heures de 10h à 20h des lectures des auteurs qui devaient participer à des événements dans notre librairie annulés à cause du confinement. Toutes les vidéos sont disponibles sur notre canal Youtube. Très bons retours sur la journée. À long terme, je ne sais pas si cela aura trop d'impact mais ces événements ont été indispensables pour ne pas perdre le lien avec notre clientèle.

De nombreux appels à repenser la chaîne du livre ont été lancés les dernières semaines. Et vous, comment imaginez-vous cette nouvelle chaine du livre ? Avez-vous déjà constaté ou pensez-vous que les relations vont évoluer ?
Il y a un énorme travail pédagogique à faire sur la chaîne du livre auprès de  nos clients, ils n'ont pas conscience de tous les acteurs. Nous sommes dans les derniers de la chaîne, et les lecteurs ont souvent du mal à comprendre encore pourquoi certaines plateformes peuvent les servir beaucoup plus vite qu'une petite librairie de quartier. On est encore loin de changer les mentalités.
Par contre, une très belle réflexion s'est engagée avec les librairies de la région, qui nous a permis de partager les angoisses, les informations, les démarches à suivre, etc. Je ne sais pas où va aboutir cette réflexion, mais faire du réseau et l'entraide entre professionnels du livre me paraissent indispensables.