5 étapes clés pour monter un projet

MONTER UN PROJET #1
Un article de Vincent Lalanne, consultant et formateur, spécialiste des politiques culturelles des collectivités locales et des projets culturels associatifs et coopératifs. Il fait le point sur la marche à suivre pour mettre en œuvre un projet d’éducation artistique et culturelle.

Élaborer un projet d’éducation artistique et culturelle autour du livre et de la lecture impose de prendre en compte trois conditions indispensables à sa réussite :

  • Le respect de la charte de l’éducation artistique et culturelle, en particulier de son article 2 : « L’éducation artistique et culturelle associe la fréquentation des œuvres, la rencontre avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de connaissances ».
  • Le livre et la lecture ont une place prépondérante dans les enseignements scolaires. Un projet d’éducation artistique et culturelle dans ce domaine se doit d’être complémentaire de ces enseignements et d’apporter différemment aux
    enfants et aux jeunes le plaisir de la lecture et l’amour des livres.
  • La bonne connaissance du territoire du projet, de l’offre culturelle existante et surtout des usages culturels de ses habitants et en particulier des plus jeunes.

1. Un état des lieux

Il permet de lister sur le territoire du projet :

  • Les acteurs de la chaîne du livre présents : auteurs et illustrateurs, éditeurs, imprimeurs, relieurs, libraires, bibliothèques publiques, associations de promotion du livre et de la lecture, manifestations autour du livre et de la lecture…
  • Les usages culturels des habitants du territoire autour du livre et de la lecture et les difficultés existantes : illettrisme, illectronisme…
  • La présence du livre et de la lecture dans les volets culturels des projets d’écoles et d’établissements des collèges et des lycées.
  • Les politiques publiques en faveur du livre et de la lecture et leur déclinaison contractuelle : plans locaux de développement de la lecture, CLEA, Contrat Territoire Lecture…
  • Les initiatives autour du livre et de la lecture : les actions de « Lire et faire Lire », « les Petits Champions de la Lecture », « Le Concours national de lecture à haute voix», « la Semaine de la Presse », « le Goncourt des Lycéens », « Un livre pour les vacances », etc.

Quatre outils peuvent être développés pour mener cet état des lieux : l’établissement d’un répertoire des acteurs, le collectage de données (Insee, structure régionale du livre, bibliothèques, rectorat, DRAC…), des enquêtes de terrain sur un champ particulier propre au projet, des questionnaires ou des entretiens pour faire remonter des attentes ou des besoins exprimés.

2. Un diagnostic culturel du projet

L’ensemble des connaissances restituées dans l’état des lieux permet d’établir ce diagnostic. L’outil de ce diagnostic peut être une analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités, menaces). L’analyse des forces et des faiblesses concerne le porteur du projet en interne, au regard de ses compétences et capacités à développer le projet.

L’analyse des opportunités et des menaces porte sur l’environnement du projet en externe. L’objectif du diagnostic est de transformer les faiblesses et les menaces en forces et en opportunités.

3. Les enjeux et les contraintes

Ces deux démarches aboutissent à la mise en lumière des enjeux (ce qu’on a à gagner en mettant en place un tel projet), par exemple des enjeux de démocratisation culturelle, de respect des droits culturels de l’enfant, de développement de l’offre artistique et culturelle autour du livre et de la lecture et de la structuration culturelle dans le territoire. Les contraintes peuvent être la présence ou pas du livre et de la lecture dans le volet culturel du projet d’école ou d’établissement, le suivi ou pas du programme scolaire et le respect des listes de références des ouvrages de littérature par cycle, la gestion spécifique des partenaires artistiques et culturels…

4. Les objectifs d’un projet et l’évaluation du projet

Les objectifs d’un projet d’EAC autour du livre et de la lecture doivent répondre à une problématique ou un enjeu qui ressort du diagnostic. Poser des objectifs pour un projet c’est lui donner des critères de réussite qui permettent d’élaborer son évaluation. Ces critères peuvent être mesurés grâce à des indicateurs quantitatifs et qualitatifs.

5. La mise en œuvre du projet

a. Les personnes ressources

En fonction des ressources culturelles repérées dans l’état des lieux, on établit la liste des partenaires et des prestataires du projet (artistique, financier, technique, logistique), ainsi que les ressources culturelles et pédagogiques. On désigne alors la structure et la ou les personne(s) porteuse(s) du projet.

b. Le cadre pédagogique : les temps, les lieux, les outils

Chaque projet d’EAC autour du livre et de la lecture s’inscrit dans un temps qui détermine la durée du projet, la fréquence et la longueur des séquences, mais aussi les lieux du projet : à l’école, hors de l’école dans des lieux dédiés qu’il faut privilégier (bibliothèque, salon du livre…). Pour chaque séquence du projet on choisira des outils adaptés aux âges des enfants et des jeunes mais aussi au regard des objectifs du projet (du papier au numérique, du spectacle à la rencontre, de la pédagogie par le jeu aux ateliers d’écriture…).

c. Les partenaires artistiques et culturels

L’intervention d’un auteur, d’un illustrateur, d’un plasticien ou d’un comédien amateur ou professionnel oblige à respecter certaines réglementations.

Ainsi un amateur ou un bénévole ne peut-il recevoir aucune rémunération pour sa prestation. On peut lui rembourser les frais occasionnés par son intervention (transport, hébergement, repas), sur justificatifs.

On préférera faire intervenir des professionnels. Pour ces artistes et auteurs, l’intervention dans un projet d’EAC est considérée comme une « activité accessoire ». Ils doivent être déclarés auprès de l’URSSAF artistes auteurs. La prestation d’un auteur se situe autour de 269 € bruts la demi-journée (tarif recommandé par le CNL).

Une prestation d’un artiste plasticien se situe entre 38 et 53 € de l’heure et celle d’un auteur autour de 150 € la demi-journée. Les intermittents du spectacle peuvent intervenir dans le cadre d’un projet d’EAC mais comme pour les autres artistes, ces interventions ne peuvent être qu’accessoires et non régulières, dans la limite de 70 heures par an1.

d. L’implication des enfants

Tout projet d’EAC oblige à impliquer les personnes qui y participent, en particulier les enfants et les jeunes. «  Les enfants sont titulaires de droits humains et donc des droits culturels au même titre que les adultes. »2 On veillera donc tout particulièrement au respect de ces droits, en particulier à considérer les enfants comme des sujets du projet d’EAC, c’est-à-dire libres de participer et de coopérer à l’activité de leur choix en vue de leur autonomie. « Hisser l’enfant au rang d’acteur exige de lui donner les outils pour forger son esprit critique, y compris vis à vis des patrimoines qu’on vise à lui transmettre. » 2 De la même façon on veillera particulièrement au droit à l’image qui nécessite obligatoirement l’autorisation des parents.

e. Le déroulé du projet : voir, faire, interpréter

La médiation autour du livre et de la lecture peut prendre différentes formes : sensibilisation (découverte des textes), ateliers d’initiation (technique de lecture ou d’écriture), ateliers de création (création artistique), accompagnement (projet en autonomie), échanges (prise de parole, animation d’un débat), sortie culturelle (apprentissages des codes des lieux de ressources culturelles et en particulier des bibliothèques), participation à un événement autour du livre et de la lecture (spectacles, salons).

Dans le cadre de l’EAC on s’appuie sur les trois piliers définis dans la Charte de l’EAC, citée en introduction de cet article :

  • Voir : découverte du texte écrit, récité, conté, parlé, oralisé, représenté, rencontre avec l’auteur ou l’illustrateur…
  • Faire : pratiques artistiques autour du livre et de la lecture comme la lecture à voix haute, le récit d’une histoire ou d’un conte, l’écriture individuelle ou collective, l’élaboration ou la fabrication d’une revue, d’un livre ou d’un blog…
  • Interpréter : temps de l’analyse du voir et du faire sur les connaissances artistiques et culturelles nouvelles à partir des livres, sur les appréciations que portent les enfants et les jeunes, sur les changements d’usage comme aller à la bibliothèque, échanger des livres…

La restitution d’un projet d’EAC autour du livre et de la lecture peut prendre diverses formes spectaculaires ou non. Plusieurs points de vigilance : la restitution est-elle nécessaire au regard du contenu du projet ? Quelle est la place des parents et des enfants dans cette restitution ? Quelles autres formes de valorisation mettre en place (auto-édition, création numérique…) ?

f. Le financement

Le principe général de l’EAC est la gratuité pour les enfants et les jeunes. Certaines sorties culturelles, en particulier au spectacle, peuvent occasionner un paiement. Celui-ci ne doit pas être un frein pour les familles démunies et on préfèrera favoriser les outils de coopération qui permettent ces prises en charge (caisse des écoles ou coopérative scolaire, budget pédagogique des accueils de loisirs…).

L’EAC est majoritairement financée par les collectivités locales avec des soutiens qui peuvent provenir :

  • des départements : sur des projets à destination des collégiens, ou qui croisent action sociale et politique culturelle, ou sur des dispositifs mis en place par des bibliothèques départementales ;
  • des Régions : sur des projets à destination des lycéens et des apprentis, ou qui croisent des actions de valorisation du livre (salons) ou sur des dispositifs mis en place par les structures régionales du livre ;
  • de la DRAC : sur des Contrats Locaux d’Éducation Artistique et Culturelle (CLEA), et sur des résidences d’auteurs ou d‘illustrateurs ;
  • plus rarement de l’Éducation nationale qui intervient plutôt sur la mise à disposition et les formations des enseignants et certaines fois sur les interventions artistiques.

L’élaboration du budget d’un projet d’EAC comprend en dépenses les charges liées aux interventions artistiques, les dépenses liées aux besoins de matériel technique et logistique et les valorisations des personnes rémunérées par les diverses institutions qui participent directement au projet (enseignant·e·s, chargé·e·s de projet EAC…). En recette on retrouve ces valorisations et les financements directs ou sous forme de subventions des organismes financeurs.

g. Les conventions

Plusieurs formes de conventions de partenariat peuvent être mises en place autour de l’EAC.

  • Elles sont la plupart du temps signées entre les partenaires du projet : la structure porteuse du ou des projets, la collectivité locale du territoire du projet (Commune ou EPCI), les partenaires institutionnels du projet (Éducation nationale, DRAC).
  • Leur contenu reprend les éléments essentiels du projet (son objectif, son déroulé et son contenu).
  • Elles doivent contenir des éléments d’évaluation (critères et indicateurs).
  • Elles peuvent comprendre une partie financière.
  • Il existe une convention spécifique sur des projets territoriaux d’EAC, les CLEA3, signés avec la DRAC qui s’élaborent autour de résidences d’artistes.

Un article de Vincent Lalanne

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1 Pour en savoir plus sur les démarches et les tarifs, consulter l’article du dossier « Comment rémunérer les auteurs »

2 Bidault Mylène, « Droits culturels de l’enfant : l’enfant n’est pas un simple passeur de culture », L’Observatoire 2017/1 (N°49), pp. 39-41.

3 Un exemple de CLEA Danse et Lecture : https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Ile- de-France/DRAC-INFOS/Appel a-candidatures-CLEA-Seine-Vexin-Communaute-d-Agglomeration-Danse-litterature

Vincent Lalanne

Titulaire d’un master de direction de projet culturel (Observatoire des Politiques Culturelles 2004-2005), Vincent Lalanne a été directeur de l’association de coopération culturelle en Essonne Acte91 puis de ARTEL 91 (1999-2009) et président de l’Association nationale Culture et départements (2007-2009). Consultant depuis janvier 2010, spécialiste des politiques culturelles des collectivités territoriales et des projets culturels associatifs et coopératifs, il  mène des études, conduit des évaluations, anime des séminaires, et met en place des actions de formation. Il a été chef de projet associé du CANOPEEA (Collectif pour des Assises Nationales Ouvertes sur les Pratiques l’Education et l’Enseignement Artistique) de 2011 à 2013.