GORDIEN MARIE-CHRISTINE

mariecsgordien [at] yahoo.fr
30000 Nîmes
Activité(s)
Ecrivain
Genre(s)
Poésie, théâtre
Biographie :
Marie-Christine Gordien est née en 1965 à Valence où elle a passé son enfance dans un quartier populaire. Son père est guadeloupéen et sa mère est ardéchoise. L’espace de ce métissage inaugure alors ses réflexions comme la nécessité de trouver une parole, une expression.
Ainsi, avant de partir pour Lyon où elle vit de petits boulots, elle participe, durant son adolescence, à la vie d’une radio libre où elle anime des émissions, se passionnant pour le jazz, les musiques afro-américaines, tout en s’essayant au théâtre. Pendant quelques années, elle participera au Festival de jazz à Vienne où elle réalisera de nombreuses interviews de musiciens, faisant une incursion dans le journalisme. Son existence la conduira à Nîmes où elle réside depuis 20 ans. Diplômée de l’éducation spécialisée, elle travaille dans le domaine social où elle conjugue son goût des mots et son engagement dans des ateliers d’écriture. La parution, en 2011, aux éditions de la Rumeur Libre de son premier ouvrage "Chayotte" témoigne de la relation privilégiée qu’elle entretient, depuis son enfance, avec l’écriture tout comme avec l’espace littéraire. Initialement repérée par l’auteur P. Laupin, l’écrivain Alain Mabanckou remarque dans un article « sa maturité d’écriture et la force d’un style tranchant ».
Lectrice de romans et de poésies, elle aime les terres des auteurs caraïbéens, affectionne des auteurs comme Toni Morrison, Marguerite Duras, Jamaïca Kincaïd… et pourrait reprendre à son compte ces phrases d’Aimé Césaire : « Ne pas laisser non dite la parole, ne pas se diluer, ne pas accepter la stupeur de l’air ni sombrer dans l’inepte bavardage de l’ambiant marécage ».
Bibliographie non exhaustive :
Moon walker, éd. la Rumeur libre, 2018 (poésie). La monnaie des songes, éd. la Rumeur libre, 2015 (poésie). Pollens, éd. la Rumeur libre, 2012 (poésie). Chayotte, éd. la Rumeur libre, 2011 (poésie).
Extrait :
Heureusement il n’est pas noir, elle a dit, heureusement il n’est pas noir, elle a dit. Heureusement. Elle a dit comme ça et elle s’est penchée, elle s’est penchée sur ce qui est sorti de mon ventre heureusement un enfant heureusement du sexe mâle, elle n’a pas dit.
Je n’ai rien dit à son heureusement rien répondu, rien dit, silence complet juste des années plates et sages et polies se déroulaient comme des plages à l’infini et le sable était noir et le sable était gris et mes yeux de minuscules grains de sable oubliés dans la nuit heureusement et je prenais dans mes mains ce sable irréel que je mouillais de mes larmes tout aussi irréelles. Je ne disais rien. J’attendais des années que j’avais toujours attendues, des voiliers blancs, toujours blancs flottant sur la ligne de l’horizon plus horizon que jamais, tout entier replié sur lui-même. Heureusement j’attendais, les voiliers irréels disparaissaient comme la peine par-delà les marées, les marées de ciels qui s’avançaient avec dedans l’enfant qui heureusement pleurait d’une si douce tristesse, celle d’avoir faim à jamais, et qui me ressemblait, à passer des nuits debout, un chien égaré trouant des poubelles, lacérant des seins, et le lait sur la chaussée du monde s’écoulait s’écoulait heureusement. Heureusement pour cet enfant qui pleurait d’expertises et de sciences coloniales : heureusement il n’est pas noir heureusement ! Et, voici ces mots des auspices anciens et sages. Elle disait heureusement il n’est pas noir, heureusement à sa raison raisonnait le bon sens commun, l’adage.
Quelles plages me disais-je pour ces océans qui ne sont pas des océans, pour ces voiliers à l’horizon qui ne sont pas des voiliers pour ce sable qui n’est pas du sable pour ces vents qui n’ont nulle part pour souffler…