Le politique en bibliothèque, aperçus #1

Article (1/4) de Gilles Eboli, directeur de bibliothèque
Illustration © Yoel Jimenez

De la pathologie symptomatique au capital professionnel

 « Peut-on parler de censure en bibliothèque (ou d’autocensure ou encore de « précautions ») tant au niveau des collections et de la politique d’acquisition qu’à celui des thématiques choisies pour le programme culturel ? ». La question certes n’est pas nouvelle, la bibliographie est abondante et efficace, les journées d’étude ne manquent pas : difficile d’apporter quelque chose de neuf sinon de décisif sur une matière aussi complexe et sujette à débat. Par ailleurs, poser cette question en pleine période pré-électorale ne manque évidemment ni d’à-propos ni de sel : l’occasion aussi de s’interroger sur le devoir de réserve qui pourrait faire l’objet d’un article à lui seul tant la notion, un peu galvaudée, est rarement bien cernée dans ses attendus juridiques exacts (aucune mention explicite, ou peu s’en faut, ne sera toutefois faite ici d’élu, de bibliothécaire, de ville ou d’établissement).

Nous l’avons dit d’entrée, une pharmacopée très riche pour une pathologie, la censure, qui reste une pathologie : elle reste accidentelle et elle reste un symptôme.
Le côté spectaculaire de la chose, l’urgence des situations font qu’on s’arrête le plus souvent au traitement du symptôme. C’est bien normal et le bref aperçu qui suit ne refusera pas l’obstacle ; toutefois, on devra s’intéresser aussi, au-delà de l’accident, du symptôme, à l’ordinaire, au quotidien du rapport politique/bibliothèque, pas toujours abordé, précisé.
Enfin, en bonne hygiène intellectuelle et citoyenne, pourquoi ne pas retourner la question, renverser la perspective et du bibliothécaire victime passer au bibliothécaire sinon coupable (évidemment…) mais au moins s’interrogeant sur lui-même… et ses propres censures et/ou ingérences !

Dès lors, trois points me semblent pouvoir être considérés : tout d’abord modéliser à partir d’une expérience professionnelle (en l’occurrence la mienne) les actes de censure rencontrés au cours d’une carrière ; ensuite, tenter une prise de recul sur la question des rapports des bibliothécaires au(x) politique(s) et des politiques au(x) bibliothécaire(s) non pas sous l’angle pathologique donc mais sous l’angle de la gestion, du capital professionnel accumulé (ou à capitaliser) ; et enfin comme annoncé et en guise de conclusion renverser l’angle de vue et s’interroger sur le bibliothécaire « censeur » et « s’ingérant ».

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