Suspension des obligations contractuelles du fait de la crise sanitaire ?

Publié le 29/05/2020
Avocat
Bruno Carbonnier
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Les contrats

La crise sanitaire que nous traversons actuellement rend difficile l’exécution des contrats, notamment dans le domaine de l’édition. Dans quelles situations est-il possible de s’exonérer de ses obligations contractuelles ou réviser le contrat ? 

Le recours à la force majeure

L’article 1218 du Code civil prévoit qu’il : "y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur".

Lorsqu'une partie est dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations en raison d’une cause qui lui est étrangère, elle peut être exonérée de ses obligations si trois conditions sont réunies :

  • L’extériorité : vos difficultés financières doivent échapper à votre contrôle, c’est le cas de l’épidémie de Covid-19 : la Cour d’appel de Colmar l’a qualifié de force majeure (Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098).
  • L’imprévisibilité : le critère d’imprévisibilité ne sera pas considéré comme rempli si le contrat a été conclu postérieurement à la déclaration de propagation du virus.
  • L'irrésistibilité : il faut que l’événement (le Covid-19) empêche l’exécution, cela exclut le cas où l’obligation est seulement difficile à mettre en œuvre. 

Dans l’hypothèse où les contrats ont été conclus peu de temps avant l’apparition du Covid-19 en France mais après que l’épidémie soit apparue en Chine, le caractère imprévisible de l’épidémie est discutable car l’épidémie préexistait à la conclusion du contrat. Le caractère imprévisible fait également défaut dans l’hypothèse où les contrats auraient été conclus après la connaissance du caractère épidémique du Covid-19 en France.

La révision du contrat pour imprévision

L’article 1195 du Code civil permet la révision du contrat pour imprévision à condition que : 

  • le recours à l’imprévision n’ait pas été interdit par le contrat et que l’autre partie accepte la renégociation du contrat ;
  • le contrat ait été conclu en considération de circonstances bien précises ;
  • que postérieurement à la conclusion du contrat des circonstances imprévisibles soient apparues, dans le contexte actuel ce sera les conséquences économiques de l’épidémie du Covid-19 ;
  • que l’exécution du contrat soit excessivement onéreuse, le changement financier doit altérer fondamentalement l’équilibre des prestations ;
  • le risque du changement de circonstance n’ait pas été accepté par l’une des parties. 

La notion "d’exécution excessivement onéreuse" étant subjective et soumise à l’appréciation du juge, la révision du contrat pour imprévision ne saurait s’appliquer automatiquement à tous les contrats conclus pendant la période de l’état d’urgence sanitaire ou quelques mois avant. 

La seule circonstance de l’épidémie du Covid-19 ne permet donc pas de justifier d’une suspension des obligations contractuelles.
En cas de difficultés d’exécution d’un contrat, il est donc recommandé de privilégier la voie de la négociation afin de modifier amiablement le contenu du contrat.