Bibliothèques et reproduction des œuvres

Publié le 14/01/2020
Avocat
Pauline Planc
Métier(s)
Auteurs
Bibliothécaires
Catégorie(s)
La protection des oeuvres
Le cadre législatif du livre

Si les auteurs exercent sur leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle exclusifs et opposables à tous selon l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, il existe toutefois plusieurs exceptions qui permettent notamment aux bibliothèques de reproduire et de représenter ces œuvres.

L’article L122-5-7° dudit code prévoit ainsi que l’auteur de l’œuvre ne peut interdire :

  • La reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que les bibliothèques, les archives, les centres de documentation et les espaces culturels multimédia, en vue d'une consultation strictement personnelle de l'œuvre par des personnes atteintes d'une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques et empêchées, du fait de ces déficiences, d'accéder à l'œuvre dans la forme sous laquelle l'auteur la rend disponible au public.

Cette exception en faveur des personnes handicapées a été simplifiée et étendue avec la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016, l’ancienne rédaction tirée de la loi n°2006-961 dite « DADVSI » ayant été jugée trop complexe et peu opérationnelle. Il demeure cependant que cette exception ne peut être invoquée par n’importe quel établissement : elle ne s’applique en effet qu’à ceux figurant sur la liste mentionnée au 1° de l’article L. 122-5-1 du Code de la propriété intellectuelle. Les opérations de reproduction et de représentation des œuvres qui sont ici autorisées doivent en outre être réalisées, il faut le rappeler, à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap qu’elles visent. 

Surtout, l’article L122-5-8° dudit code prévoit que l’auteur de l’œuvre ne peut interdire :

  • La reproduction d'une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d'études privées par des particuliers, dans les locaux de l'établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial.

Cette exception au profit des bibliothèques qui ne pouvait être invoquée initialement qu’à des fins de conservation et pour préserver les conditions de consultation des œuvres s’est étendue avec la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 à la consultation des œuvres à des fins d’études ou de recherches privées par des particuliers. Il faut souligner que cette exception reste cependant limitée à une consultation de l’œuvre sur des terminaux dédiés au sein des locaux des bibliothèques, excluant ainsi toute fourniture « en ligne » de l’œuvre, c’est à dire depuis l’extérieur des bibliothèques. En outre, les bibliothèques et autres établissements visés par l’article L122-5-8° ne doivent jamais réaliser d’opérations de reproduction et de représentation des œuvres dans un but économique ou commercial. Ces limites pourront rassurer quelque peu les auteurs sur cette exception importante à leurs droits d’exploitation. 

Nous soulignons pour terminer ce mémo que la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt très intéressant en date du 11 septembre 2014 « Technische Universität Darmstadt » à propos de  l’exception de reproduction des œuvres applicable aux bibliothèques. Cet arrêt est venu confirmer que les bibliothèques pouvaient bien numériser leurs œuvres et mettre ces numérisations à disposition de leurs utilisateurs à des fins de recherches ou d’études privées, pour autant qu’il s’agisse d’« actes de reproduction spécifiques » : les bibliothèques ne peuvent donc invoquer l’exception prévue à l’article L122-5-8° du code de la propriété intellectuelle pour procéder à une numérisation de l’ensemble de leurs collections. Enfin, l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne vient souligner, si besoin il en était, que ces droits de reproduction et de représentation des œuvres que peuvent exercer les bibliothèques ne sauraient logiquement permettre aux particuliers d’imprimer sur papier ou de stocker sur une clé USB les œuvres qu’ils consultent dans lesdites bibliothèques à partir des terminaux dédiés… 

… Sauf si, explique la Cour de Justice, le droit national prévoit une compensation équitable au profit de l’auteur ou de son ayant-droit. Nous précisons que ce n’est toutefois pas le cas actuellement en France.