
L'éternel mirage
1956. En Algérie, la guerre prend un tour inexpiable. Le gouvernement français décide l'envoi du contingent mais capitule devant la colère des Pieds-Noirs. On guillotine des rebelles. L'arme de la torture se met en place. À Moscou, Khrouchtchev dénonce les crimes de Staline. L'opinion européenne appuie son action, mais la révolte éclate en Hongrie et Khrouchtchev se conduit comme Staline l'aurait fait. À la suite de Sartre, les intellectuels français rompent définitivement avec l'URSS. Mais survient la crise de Suez. L'alliance inattendue des Américains et des Soviétiques sauve Nasser et renvoie la France à son destin.
Dans la tourmente, les individus perdent pied. Thomas le journaliste, Stella la militante, Wolfgang le révolutionnaire, d'Arzacq l'officier, tant d'autres, cherchent vainement une vérité qui ne cesse de se dérober. Leurs drames sont toujours les nôtres - signe que devant nous, les mêmes mirages demeurent.
Ecrivain solitaire - pour ne pas dire marginal -, Pierre Bourgeade n'a jamais cru aux théories littéraires, tout en poussant très loin le souci de la forme. Intellectuel engagé, il est l'auteur d'une oeuvre qui explore le mal, en l'homme et dans l'Histoire, avec si peu de préjugés qu'elle en est devenue irrécupérable moralement. Il a dit un jour : « Si on écrit sur soi-dans-sa-solitude, on est dans ses fantasmes. Si on écrit sur soi-parmi-les-autres, on est dans l'Histoire, fantasme collectif. Les années passant, j'ai l'impression que le soi, les fantasmes et l'Histoire n'ont fait qu'un. »
Quand j'ai repris ce journal, l'an dernier, il tirait à trois cent mille exemplaires. Maintenant nous sommes à cinq cent mille. L'an prochain nous serons à un million. La paix fait vendre. La guerre, encore plus.